Un an après le pire crash en Corée du Sud, des familles "exigent des réponses"
En deuil depuis un an, Lee Hyo-eun retourne chaque week-end à l'aéroport de Muan où elle a perdu sa fille dans la pire catastrophe aérienne en Corée du Sud.
La mère de Ye-won, qui venait d'avoir 24 ans, se souvient avec une immense douleur de cet "impensable" 29 décembre 2024.
La jeune femme, professeure de violoncelle, revenait d'un court séjour à Bangkok.
Ce soir-là, Ye-won devait dîner avec sa mère et sa soeur, mais elle "s'en est allée, resplendissante, à 24 ans", pleure aujourd'hui Lee Hyo-eun.
Il y a un an, un Boeing 737-800 de la compagnie à bas-coût Jeju Air transportant 181 passagers en provenance de la capitale thaïlandaise avait atterri sur le ventre à l'aéroport international de Muan, avant de se fracasser contre un mur en bout de piste et de prendre feu.
Une hôtesse et un steward, assis à l'arrière de l'avion, avaient survécu et 179 personnes avaient été tuées.
Un rapport gouvernemental préliminaire datant de juillet, brocardé par des familles et le syndicat de pilotes, a conclu qu'une collision avec un oiseau avait endommagé le moteur droit de l'avion, mais que le pilote avait coupé par mégarde le moteur gauche.
- Erreur de pilotage -
C'est donc le scénario d'un choc avec un volatile, suivi d'une erreur de pilotage, qui est privilégié. Même si la possibilité que le train d'atterrissage ait été défectueux est également envisagée.
Le rapport final est attendu en juin.
Mais Mme Lee et d'autres familles endeuillées tempêtent contre la manière dont l'enquête a été menée. Elles s'insurgent aussi contre ce mur en béton érigé en bout de piste, en violation de toutes les règles de sécurité de l'aviation civile.
L'aéroport de Muan, fermé aux vols commerciaux depuis l'accident, accueille nombre de familles de victimes qui passent des jours et des nuits sous des tentes dressées dans le hall des départs au second étage du terminal.
Les lieux sont décorés de rubans bleus et de lettres en souvenir des personnes disparues.
"Un pays incapable de protéger ses ressortissants n'en est pas un. Nous exigeons des réponses!", proclament aussi des banderoles déployées sur les murs".
Parmi la vingtaine de proches qui reviennent chaque week-end à l'aéroport, on trouve "le plus connu", comme se définit lui-même Park In-wook.
Cet homme de 70 ans confie à l'AFP avoir perdu dans l'accident son épouse, sa fille, son gendre et deux jeunes petits-enfants.
- Cinq être chers perdus -
"Les premiers jours, je pensais que je rêvais", souffle le septuagénaire privé de cinq êtres chers: "Une année a passé et je ne me rappelle plus de la date précise des funérailles de ma femme".
Mais les familles ne décolèrent pas contre les autorités.
Concernant le mur en béton, une inspection dans le pays a identifié six autres aéroports dans le même cas: mais cinq murs ont été construits en matériaux cassables qui ne résisteraient pas à un choc avec un avion, assure le ministère des Transports.
Mais pour Ko Jae-seung, 43 ans, qui a perdu ses deux parents dans le crash, "le gouvernement tente de réduire l'accident à une erreur de pilotage" alors qu'"une enquête officielle n'est pas censée pointer de responsabilités individuelles mais examiner toutes les circonstances qui l'ont rendu inévitable".
Le mère de Ye-won, pense aussi que les pilotes ont tout fait pour sauver tout le monde à bord.
"Ils ont réussi contre toute attente à faire atterrir l'avion sur le ventre, tous avaient alors encore la vie sauve, mais ils n'ont pas imaginé qu'ils avaient un mur en béton devant eux", regrette Mme Lee, qui reçoit l'AFP chez elle.
"Tout le monde aurait pu s'en tirer avec quelques blessures", lâche Mme Lee entourée de photos de sa fille disparue, y compris des derniers clichés pris à Bangkok par son téléphone retrouvé dans l'épave de l'avion.
"C'est comme si elle n'était pas encore rentrée de vacances", se réconforte cette mère endeuillée.
D.Fransson--StDgbl